Beyond Good and Evil est un jeu créé et réalisé par Michel
Ancel. Sorti de son imaginaire, il invente un monde totalement onirique, peuplé
d’être aussi divers qu’étranges et intrigants. Avec son univers unique, aux
inspirations du maître Hayao Miyazaki, une ambiance enchanteresse se dégage,
autant qu’une mystérieuse sensation. Et si ce monde permet de nous évader, ce n’est
pas uniquement sa facilité à nous faire rêver qui est mise en avant et qui nous
envoûte sans cesse. C’est aussi le scénario du jeu, au tout début intriguant,
puis qui semble assez classique, et qui très rapidement nous submerge de
diverses émotions, passant du sourire niais et amusé, aux larmes dévastatrices.
Rarement un jeu ne m’avait procuré de telles sensations, et rarement un jeu
tout court peut se targuer de réussir à faire passer autant d’émotions. Peu à
peu, pris dans le scénario, lors d’un évènement complètement inattendu et
presque traumatisant, je n’ai plus eu l’ambition de terminer le jeu pour le
finir et en découvrir l’issue, mais parce que c’était devenu une affaire
personnelle. On est pris dans cette histoire, on s’identifie très facilement au
personnage, et le jeu en gagne encore plus en émotion.
Cette histoire, c’est celle de Jade. Jeune femme âgée de
tout juste vingt ans, elle s’occupe de l’orphelinat du phare, qui accueille les
enfants sans parents. Avec son oncle Pey’J, un cochon humanoïde (comme tant d’autres
animaux anthropomorphes), elle vit sa vie, essayant de trouver du boulot, des
reportages ou autres photos à prendre. Ça c’est l’histoire personnelle de l’héroïne.
Mais à côté il y a l’autre histoire, celle de Hyllis, la planète sur laquelle
se déroule le jeu. Une planète qui subit régulièrement des invasions Domz, des
extraterrestres, et qui est protégée par l’armée et les forces Alpha, en
théorie. Régulièrement, des gens disparaissent, kidnappés, d’où la forte hausse
du nombre d’orphelins. Les forces Alpha sont suspectées d’êtres complices de
ces actes. Un réseau secret tente de percer le mystère, IRIS, et bien
évidemment, Jade va y entrer afin de faire éclater la vérité au monde entier.
Mais cette vérité, quelle est-elle ?
Pey'j et Jade
Sous son aspect scénaristique peu original, se dissimule une
réelle force, puisque rapidement le joueur se sentira directement impliqué. Et cette
implication, ce sentiment de conviction qui nous force à jouer parce que l’on
est pris dans une spirale, il se crée. On ne peut pas être ému de ce que l’on
ne connaît pas, ou de ce qui nous est étranger ou bien trop éloigné. Et c’est
là que le jeu fait fort, puisqu’il réussit une immersion prodigieuse, plongeant
le joueur au cœur d’un univers qui lui semble crédible, cohérent, et de plus en
plus familier. Et cela dès le début. On ne passe pas trois plombes à nous
présenter les personnages, le milieu, l’ambiance. On lance une cinématique qui
nous montre rapidement ce qu’il faut savoir, uniquement via des images et des
sons, mais sans rien d’explicatif. Et puis, directement on est plongé dans l’action.
Voilà, tout est mis en place. Le reste se fera au fil du jeu et des
découvertes. Et dès le début un exemple est frappant. Les habitants du phare
sont vivants. Ils bougent, vivent leur vie, regardent la télé, jouent dehors,
etc… c’est tout bête, mais cela donne une réelle impression de vie et d’émotion.
Et puis, on visite le phare, et son dernier étage. La musique change, se fait
plus douce, plus belle, plus triste aussi un peu. Et l’on constate alors le
lieu de vie. Des chambres avec des jouets qui trainent, une salle de bain, ou
bien cette pièce pour développer les photos. D’ailleurs, des photos, domaine de
prédilections de Jade, sont affichées sur les murs, représentant les enfants, le
chien, ou bien encore Jade. Et puis il y a des dessins sur le mur. Des dessins
de gosses, assez grossiers, mais finalement encore plus émouvants. Surtout celui
qui représente Pey’J. Oui, c’est sûrement bête de s’émouvoir sur si peu, mais
constater cette volonté de réalisme dans des détails qui pourraient paraître
insignifiants, c’est bien une preuve de la part de Michel Ancel et son équipe
de pousser au plus loin l’immersion.
Ce qui renforce ce côté immersif, ce sont aussi les
personnages. Tous aussi vivants les uns par rapport aux autres, ils offrent à
voir une réelle communauté qui s’occupe tranquillou de sa petite vie. Et tous
ont leurs particularités qui les distinguent les uns des autres. Que ce soit
les rhinos Mamago, avec ambiance cool et détendue à la jamaïcaine, que ce soit
dans la musique comme dans les couleurs de leur garage (ou même les dreadlocks
et bonnet de rasta), ou alors chez le morse Ming-Tzu avec son ambiance Chine
orientale mystique, rien n’est laissé au hasard, l’ensemble profitant de
personnages hauts en couleur ayant tous une importance, plus ou moins grande. Mais
ce sont surtout Jade et Pey’j qui sont les plus attachants. Jade, puisqu’elle
est l’héroïne du jeu, et que son implication et son histoire personnelle nous
fera s’attacher à elle. Quant à Pey’j, il est le personnage le plus proche de
nous, accompagnant Jade dans ses aventures. Il est réellement un des
personnages centraux de l’histoire, et ses liens avec Jade ne font que créer
des sentiments d’attachements forts de la part des joueurs. Grognon et
bougonnant, avec un langage fleuri bien comme il faut, il n’en est finalement
que plus apprécié. Malgré son caractère, il cache un terrible secret. Mais surtout,
il demeure le seul véritable lien de parenté avec Jade, et tout l’amour quasi
paternel qu’il porte envers elle (et réciproquement) se ressent, et crée une
véritable émotion tout au long du jeu. Ainsi, plus on avance dans l'aventure, plus
certaines scènes s’avèrent totalement déchirantes et bouleversantes. C’est bien
là la force de ce jeu, dépasser son rang de simple activité vidéoludique afin
de nous faire passer des émotions véritables et non dissimulées. Et lorsque l’on
recommence le jeu, on remarque que rien n’a été fait au hasard, les moindres
mots ou intonations ont été soigneusement pensés, non pas pour nous révéler une
vérité dès le début, mais pour nous donner implicitement des indications. On passe
à côté, mais ce n’est que pour mieux être surpris alors.
Une des musiques du jeu, magnifique
Et si cette émotion passe par les dialogues, c’est que les
doublages tiennent du chef-d’œuvre. Pensés en français, pour un doublage français,
on a le droit dans Beyond Good and Evil à l’une des meilleures interprétations dans
la langue de Molière dans le jeu vidéo, si ce n’est la meilleure. Emma de
Caunes, qui prêtent sa voix à la sublime Jade, est tout simplement parfaite. Les
voix secondaires sont toutes réussies. Mais la palme revient à Martial Le
Minoux qui campe un Pey’j plus que réaliste, aux intonations toujours justes, à
l’interprétation constamment magistrale, et à l’émotion toujours présente. Rarement
certains dialogues, ou même juste quelques mots, ne m’ont paru aussi émouvants
et déchirants dans un jeu. A tel point qu’un seul mot a réussi à me faire verser des
larmes, du fait de la situation, et de l’intonation. Pey’j est le personnage le
plus attendrissant du jeu, et si son doublage est parfait dans les situations
rigolotes, il se révèlent totalement monstrueux dans les phases d’émotions, qui
lui siéent à merveille. Et l’ambiance sonore, tout à fait parfaite, l’est aussi
grâce aux sublimes compositions de Christophe Héral. Mêlant habilement
différents genres, du rock, aux sonorités espagnoles, en passant même par des
phases presque hip-hop, les musique du jeu se font toutes sublimes et la
plupart, douces, mélodiques, ou plus nerveuses ou angoissantes offrent aux
oreilles un plaisir rarement égalé qui participe grandement à l’immersion dans
le jeu et qui soutient les émotions constamment au gré de l’aventure. Une de
mes bandes-son préférées de jeu vidéo, tout simplement.
On pourrait aussi parler de son gameplay qui mélange action,
aventure, exploration, ou encore course, mais quoi que l’on puisse dire, et
aussi longtemps que l’on pourrait en parler, rien ne vaut de vivre l’expérience
par soi-même. Le jeu a été gonflé en HD et il est disponible sur le PSN ou le
XBLA pour un faible prix, ou bien sur PC, à faible coût aussi. Il serait
dommage de passer à côté de ce jeu, qui en neuf ans n’a toujours pas pris une
ride et garde intact les émotions et sensations qu’il procure. Rarement une
expérience n’a été aussi intense émotionnellement parlant, sans pour autant
livrer une maniabilité fade et inconsistante. Bien que court, entre dix et
douze heures de jeu, le titre n’en reste pas moins exceptionnel et prenant de bout
en bout, au point d’avoir du mal à lâcher la manette avant d’en avoir vu la
fin. Riche en rebondissements, parfois très inattendus, pleinement
cinématographique, et tout à fait magnifique, Beyond Good and Evil est tout
simplement une perle à posséder absolument. Ceux qui n’y ont jamais joué, en
plus de passer à côté d’une expérience unique, loupe un des plus beaux jeux
vidéo existant. Vivement la suite, qui arrivera… un jour.
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