mercredi 30 janvier 2013

Test Ni no Kuni : La Vengeance de la Sorcière Céleste

Sorti en 2010 au Japon sur Nintendo DS, Ni no Kuni n'avait pas eu la chance de sortir des frontières nippones. Pourtant la collaboration entre le studio Ghibli et le développeur Level-5 avait de quoi séduire. Annoncé sur Playstation 3, dans un remake haut de gamme, la nouvelle mouture sort un an plus tard, fin 2011, toujours au Japon uniquement. Prévu pour des sorties hors de l'archipel, il a fallu plus d'un an pour que le fameux et tant attendu titre sorte enfin chez nous. Et on ne va pas vous le cacher plus longtemps, l'attente, aussi longue fut-elle, n'a pas été vaine. Pas du tout.

Oliver, jeune garçon, vit avec sa mère dans un paisible quartier de Motorville. Il mène une vie tranquille, jusqu'au jour où avec son meilleur ami il est victime d'un accident. Par chance, sa mère arrive à temps pour le sauver. Malheureusement, elle y laisse la vie. Bouleversé, c'est en versant des larmes sur une peluche qu'il libére une fée emprisonnée, Lumi. Il apprend à Oliver que dans un autre monde sa mère est encore en vie, mais qu'il est nécessaire de la sauver pour la faire revenir dans son monde à lui. Voici le départ d'une longue quête épique, sombre, mais avant tout merveilleuse.

Ni no Kuni c'est avant tout un projet. Un jeu issu de la collaboration entre Ghibli et Level-5. Le premier est le plus grand et le plus prestigieux studio de développement de films d'animations japonais, le second est un développeur de jeu vidéo très réputé au Japon, souvent par la qualité de ses titres, et à qui l'on doit notamment les séries Professeur Layton ou encore Inazuma Eleven. Le résultat de la promesse d'un tel projet se devait d'être à la hauteur. D'un point de vue visuelle, le jeu nous propose une expérience extraordinaire. On ressent partout l'ambiance des films Ghibli, magnifié par un sens du détail absolu de Level-5. Le jeu est beau, absolument magnifique, et propose un cel-shading absolument prodigieux, rempli de grâce et de finesse, qui ferait pâlir d'envie et rougir de honte la saga Tales of. On pourrait très éventuellement reprocher quelques très légères textures en arrière plan dans certains rares cas, ou bien des affichages tardifs occasionnels, mais devant l'ampleur d'un monde ouvert aussi vaste et grand, ces infimes défauts, pour peu que l'on puisse les appeler ainsi, sont totalement insignifiants. Mais avant de briller par ses prouesses techniques, c'est surtout grâce à son esthétique magnifique et sa direction artistique phénoménale que le jeu se situe très au dessus de la concurrence. On y retrouve toute l'essence des productions Ghibli. Des personnages atypiques et uniques aux caractères prononcés, des lieux enchanteurs et féeriques, et une histoire prenante et émouvante. Parmi cette esthétique calquée sur les meilleurs films d'animation, on retrouve d'ailleurs des cinématiques en dessin animé de toute beauté, comme c'est le cas pour les jeux Layton par exemple. Pour le reste, les influences sont diverses et variées, mais toutes non négligeables. Le Chateau Ambulant, Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro, Porco Rosso, Le Chateau dans le Ciel, Le Royaume des Chats, et tant d'autres, voici ce qui vous attend comme inspirations principales. Rien n'est laissé au hasard, tout a été pensé comme un véritable conte, et l'univers visuel est tout simplement d'une splendeur presque émouvante. Des jeux avec une identité si forte et si marquée, il n'y en a finalement pas tant que ça dans le jeu vidéo, et Ni no Kuni tient bien à faire parti de ceux qui sortent du lot.

 Et voici le roi des chats!

Cependant, tout ne se base pas sur les graphismes. Et on le sait chez Level-5. C'est pour ça qu'on a engagé Joe Hisaishi, compositeur attitré des films de Hayao Miyazaki entre autres, pour se charger de la musique. Puissante, épique, triste, émouvante, joyeuse ou bien mystérieuse, les compositions musicales sont particulièrement somptueuses et en total adéquation avec l'univers. Pas une fausse note, pas de trop ni de pas assez, mais toujours une justesse qui fait sans cesse mouche pour nous faire constamment ressentir des émotions. Si Joe Hisaishi n'avait plus à faire ses preuves du fait de ses musiques déjà toutes réussies ou appréciées, il faut constater qu'avec les partitions de Ni no Kuni il atteint des sommets et place la barre très très haute dans les musiques de jeu vidéo, s'imposant à plus d'un titre comme un sérieux concurrent de Koji Kondo ou Nobuo Uematsu. L'univers sonore est génial donc, et les doublages japonais (aussi disponibles en anglais, mais l'intérêt n'en est sûrement que moindre) sont tout à fait dans le ton. Et à cela, il faut aussi préciser que le jeu a été intégralement localisé en français. Dans ses textes et sous-titres seulement, mais il faut dire une chose, le travail effectué est tout simplement phénoménal. Plus qu'une simple traduction, c'est un véritable travail d'orfèvres qui tient de l'aboutissement ultime, recréant diverses bons mots en adéquation avec les situations et constamment bien trouvés. On est sans cesse ébahi par ce que l'on peut lire, et s'il a fallu attendre la sortie, maintes fois repoussée, le résultat pour la localisation française ne fait regretter en rien ce retard.

Des textes il y en a. Le jeu propose un scénario long et passionnant, rempli de mystères et de surprises, qui sans être le plus original du genre, a tout de même le mérite de captiver jusqu'au bout. Sombre quand il le faut, parfois plus enjoué, et profondément émouvant, l'impact sur le joueur sera forcément perceptible. On se prend rapidement dans l'aventure, et une fois commencée, on aura du mal à la quitter avant de l'avoir finie. Et pour ceux qui aiment les textes et la lecture, l'Almanach, sorte de grimoire récupéré par Oliver, contient plus de trois-cent pages toutes traduites en français, et au contenu varié. Une nouvelle preuve de l'univers immense du jeu qui pose aussi les légendes de son monde dans son histoire, comme si la volonté de fournir un contexte entier était une nécessité vitale et absolue. On a rarement créé un monde imaginaire aussi complet.

Prouesse graphique, identité visuelle forte, musiques grandiose, scénario fort, il serait simple de succomber à la tentation du conte interactif et de privilégier un univers au détriment d'un gameplay. Heureusement, Ni no Kuni ne tombe pas dans le piège, bien au contraire, et propose un concept de jeu pas forcément novateur, mais qui a fait ses preuves. Mieux encore, il en maîtrise absolument toutes les bases. En effet, avant tout, Ni no Kuni est un jeu de rôle japonais, un J-RPG dans la grande tradition de ses prédécesseurs, qui mérite amplement de figurer dans les hautes places du genre. Les bases sont finalement assez classiques. Un monde ouvert à explorer, des quêtes annexes à en pleuvoir, de l'expérience, des compétences, des armes, des secrets à découvrir, voilà ce qui vous attend principalement. Et couplé avec l'histoire principale, le tout atteint un nombre d'heures assez impressionnant, avoisinant aisément les soixante-dix. Oui, rien que ça. Parce qu'il faut bien se rendre compte que Ni no Kuni est un jeu de rôle de la grande époque, celle où les jeux étaient longs et prenants, et dans lesquels le leveling était souvent nécessaire sans être contraignant. Un jeu presque old-school dans un certains sens, ce qui finalement ne fait qu'accentuer son charme.

 Coucou, tu veux voir mon boss?

Il y a toutefois bien un domaine dans lequel Ni no Kuni se démarque, sans être forcément novateur, celui des combats. Pas de tour par tour ici, ni même de combats en temps réel avec touche attitrée à une action. On se retrouve là face à des combats en semi temps réel. En gros, on se déplace librement dans une air de jeu, mais on choisit ses actions. Et le temps de choisir, le combat s'arrête laissant une certaine durée pour faire son choix. Attention en tous cas, chaque action entamée ou même annulée, nécessite un certains temps plus ou moins long avant que l'on puisse s'en servir à nouveau. L'avantage de ce type de combat, c'est le dynamisme. On est constamment en train de bouger, d'essayer d'éviter les attaques ennemis, ou même de se concentrer sur ce qui se passe. A savoir que les combats vont rapidement passer de un à plusieurs combattants. On choisit celui que l'on veut contrôler et on peut changer en cours de combat dès qu'on le souhaite. Il y a bien sûr la possibilité d'imposer une tactique à chacun des autres combattants, afin que l'intelligence artificielle respecte nos choix. Et en parlant de tactique, les combats le sont réellement. D'une, puisqu'il faut bien gérer les actions de tous ses personnages. De deux, parce qu'ils faut utiliser les bonnes attaques et les bon sorts selon les faiblesses ou avantages. Mais c'est surtout dans les déplacements et les systèmes de défense que tout se joue. Lorsque l'on passe en mode défense, on se fige et on se protège afin de subir moins de dégâts pendant une durée limitée. Face aux boss, ce mode est primordial, puisque certaines attaques peuvent quasiment tuer en un coup sans protection. Cela implique qu'il faut sans cesse surveiller ses ennemis afin que l'on pisse se protéger au bon moment. Le nom des attaques spéciales apparaît au dessus d'eux, et il faut bien gérer ce que l'on voit afin de ne pas se laisser désagréablement surprendre. A cela s'ajoute des orbes de différentes couleurs qui apparaissent aléatoirement et qu'il faut ramasser avant leur disparition. Elles viennent redonner des points de vie, des points de magie, ou bien permettent d'effectuer la botte secrète du combattant qui la ramasse (très utile). Eh oui, c'est finalement toute une maîtrise que l'on ne cesse d'acquérir au fil du jeu.

Ce qu'il faut savoir, c'est que les combattants peuvent déléguer leur tâche et envoyer une créature nommée familier se battre à leur place. Ces familiers sont des bestioles, qui comme à l'instar des pokémons, peuvent être capturées puis évoluer selon notre guise. Ces familiers ont leurs propres caractéristiques, ce qui rend les combats encore plus stratégiques, mais ils partagent la même barre de vie et de magie que le combattant à qui il appartient. Il faut donc faire attention à ce que l'on fait. Avec trois de ces créatures par personnages au maximum, on peut donc avoir un choix qui va jusqu'à douze styles de combat différents. Les familiers peuvent aussi être entretenus dans la ménagerie, pour être nourris et voir augmenter certaines de leurs caractéristiques. Il faut toutefois faire attention à ne pas trop les rassasier, au risque de les avoir trop nourris pour un moment. A savoir aussi que lorsqu'ils évoluent, ils prennent une nouvelle forme bien évidemment, mais ils recommencent aussi au niveau un. Ce qui implique de faibles niveaux d'attaques et de défenses, qui remonteront bien sûr assez rapidement. En effet, les familiers ont besoin de moins de points d'expérience, ce qui fait qu'ils rattrapent rapidement le niveaux du reste de l'équipe après avoir évolué. Aucun sentiment de frustration n'est donc présent, et c'est tant mieux.

 Parcourir le monde à dos de dragon est particulièrement grisant

Outre son système de combat, le reste du jeu, bien qu'assez classique, repose sur un système de sorts et de cœurs brisés assez intéressant. Les sorts sont bien évidemment utiles en combats, mais aussi pour résoudre des énigmes nécessaires pour avancer dans le jeu. Certains s'obtiennent naturellement, d'autres nécessitent qu'on les trouve. Mais c'est avant tout la quête des cœurs brisés à réparer qui est intéressante. Manquant de certains ressentis, des personnages ont besoin d'être aidés. Il faut donc récupérer de l'ambition ou de l'enthousiasme par exemple dans le cœur d'une personne qui en a trop pour la donner à celle qui en a besoin. Très présent dans les quêtes annexes, ce système est aussi la base de la progression de l'aventure. On pourrait au début presque se plaindre que cette démarche soit constamment la même, puisque l'on se retrouve face à une personne au cœur brisé qu'il faut soigner pour avancer, mais finalement, bien que prévisible dans certains rares cas, ce système s'avère efficace. De même, il est parfois nécessaire de retourner dans le monde d'Oliver, à Motorville, pour aider l'âme sœur d'une personne de l'autre monde, afin de progresser. Certains trouveront que cette ficelle scénaristique est trop souvent utilisée dans le jeu, mais elle fonctionne bien, et c'est même là un des grands intérêt du jeu. Pour le reste des possibilités, l'alchimie permet de concocter des plats ou bien de fabriquer des armes. C'est finalement assez classique dans les grandes lignes, puisqu'ils s'agit d'un J-RPG, mais ce sont les originalités réelles qui font la différence.

N'ayons pas peur des mots, Ni no Kuni est un véritable chef-d’œuvre. Un univers féerique et enchanteur à l'identité visuelle monumentale, magnifié par des compositions musicales de toute beauté, qui n'a de cesse que de surprendre et d'émouvoir. Avec un scénario prenant qu'on ne peut lâcher sans en connaître le dénouement, c'est une aventure épique remplie d'émotions en tous genres qui vous attend. Une épopée fantastique sombre, un conte merveilleux, une histoire touchante, tout ça à la fois. Mais ce n'est pas tout, puisque le titre nous propose aussi un véritable jeu de rôle avec tout ce que cela implique. Combats dynamiques et stratégiques, quêtes annexes à n'en plus finir, univers vaste à explorer, et originalité dans le principe des cœurs brisés, le jeu ne réinvente certes pas les bases ou les principes du genre, mais il les maîtrise parfaitement afin de nous offrir un gameplay savoureux qui ne possèdent quasiment aucune faille. Mélange ultime entre The Legend of Zelda : The Wind Waker, Tales of Symphonia et Final Fantasy VII, Ni no Kuni fait partie de ces jeux inoubliables qui risquent de laisser une empreinte profonde dans l'histoire d'un genre. Bijou vidéoludique, posséder une PS3 et ne pas jouer à Ni no Kuni discréditerai le statut de ceux qui se revendiquent joueurs. En voilà un chef-d’œuvre, un jeu comme on aimerait en voir bien plus souvent.

19/20

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