mardi 22 janvier 2013

Freaks and Geeks

Régulièrement, on parle de série télévisée. La plupart du temps, ce sont des séries qui ont plus ou moins un lien avec l'univers dit « geek », super-héros, science-fiction, jeu-vidéo, etc..., afin de respecter une sorte de charte éditoriale respectant l'univers du site, mais aujourd'hui est présenté quelque chose de quelque peu différent. Pas de super-héros ou de vaisseaux spatiaux, mais une série sur le monde de l'adolescence qui n'a de « geek » qu'une partie du titre. Sauf que voilà, cette série est totalement monstrueuse et s'impose comme un passage obligé à tous les fans de films d'ados, ou même de séries, tout simplement. Et ce n'est pas parce que la série est quasiment inconnue chez nous qu'il ne faut pas s'y intéresser, bien au contraire.

Créée et diffusée à la fin des années 90, Freaks and Geeks n'a pas eu le succès escompté. Si plus tard, la série a été à juste titre reconnue comme l'une des meilleures, citées régulièrement, et passant de presque inconnue à succès critique unanime, il n'en a pas été de même lors de la diffusion. Arrêtée après une saison, et seulement dix-huit épisodes, il est évident qu'elle n'a pas fait long feu et n'a pas eu la réelle occasion de marquer les esprits. Pourtant, Freaks and Geeks est une série intelligente, drôle, mais surtout sincère, et c'est bien ça qui fait toute la différence.

Cette première et unique saison se déroule lors de l'année scolaire 1980/1981 d'un lycée du Michigan. Lindsay, jeune fille bien sous tout rapport, ancienne participante aux concours de math les plus prestigieux, élève modèle, a changé depuis le décès de sa grand-mère. Elle décide de se faire de nouveaux amis, et elle approche donc les « freaks », ces jeunes gens toujours entre eux, qui ont des préoccupations autres que les cours et le lycée, et qui sont réputés pour être considérés comme des « voyous », fumeurs de joints et buveurs d'alcool. Sam, le petit frère de Lindsay, entre au lycée pour sa première année. Avec ses amis de toujours, Neal et Bill, il espère bien vivre ses quatre années de lycée paisiblement. Malheureusement, il se rend compte que tout ne risque pas de se dérouler comme prévu, vu que lui et ses amis sont considérés comme des « geeks ». Au travers des différents personnages et de leur point de vue, c'est à la fois un regard sur le début des années 80 et sa société qui est porté, mais c'est surtout une vision juste et non caricaturale de l'adolescence qui est abordée. Où comment se reconnaître dans des personnages forcément marginaux, mais qui au fond ne sont pas différents des autres contrairement à ce qu'eux ou les autres aimeraient faire croire.


Créée par Paul Feig (à qui l'on doit entre autres le récent Bridesmaids) et produite par Judd Apatow et Dreamworks, la série se veut la plus proche possible de la réalité. Feig avait 18 ans en 1980, il a donc eu quasiment le même âge que la plupart des protagonistes de la série à l'époque. Le représentation de la période est donc totalement crédible. On y retrouve de multiples références cinématographiques, passant par L'Empire contre-attaque ou bien des comédies typiquement ricaines avec les Stars de l'époque, comme The Jerk avec Steve Martin, mais aussi des références au jeu vidéo, comme la présence de la célèbre Atari VCS (devenu 2600 par la suite). Cependant, bien qu'ancrée dans une époque définie, la série porte en elle une dimension universelle, qui arrive à s'extirper de son cadre pour devenir tout à fait intemporelle et identifiable par tous. D'une part, puisque l'on suit le parcours d'adolescents en marge, dans le sens où ils ne sont ni des sportifs, ni des gens cools, mais juste des adolescents qui s'assument tel qu'ils sont. On s'identifie alors très rapidement à eux. D'autre part, c'est l'écriture, phénoménale et pleine de justesse, qui permet à la série de sortir du lot. On est bien loin des clichés du genre comme le sont la plupart des séries d'ados à l'instar des Frères Scott pour ne citer que celle-ci. Rien n'est outrageusement dramatisé, aucune séquence n'a pour but d'absolument nous émouvoir juste pour le principe, ou de nous faire rire parce que c'est la norme, dans Freaks and Geeks, tout respire le naturel, au point d'en devenir évident. Il y a bien sûr des situations presque rituelles pour ce genre de séries et certains passages obligés, mais tous ses aspects sont traités de manière assez différente du reste. Et au final, face à cela, en plus du prendre du plaisir à regarder un épisode, c'est une réelle réflexion qui s'empare de nous, sans que cela nous soit pour autant imposé. Une réflexion qui vient naturellement vers nous, c'est aussi à ça que l'on reconnaît une bonne série.

Qu'on se le dise, c'est aussi grâce au talent de Judd Apatow que la série assure. Bien sûr, c'est Paul Feig qui est derrière la création et qui a le mérite d'avoir fait exister cette série et ses personnages, mais on retrouve réellement la marque de fabrique Apatow dans la série, et pour le meilleur. Le producteur, réalisateur, scénariste endosse tous ses rôles dans la série. Il réalise trois épisodes et participe à l'écriture de plusieurs d'entre eux. Cela se ressent vraiment dans la façon d'appréhender les personnages et les situations. On peut se trouver face à des situations comiques parfois tout à fait saugrenues, et aussi se retrouver confronter à des situations humaines et réalistes d'une sincérité totale, comme on peut le voir dans d'autres films ou productions Apatow, qui sont souvent très mal estimés en France. Le casting aussi reflète bien le producteur. Si l'un des rôles principaux revient à la ravissante Linda Cardellini, qui n'a plus fait d'apparition dans les films du producteur, on retrouve des figures plus emblêmatiques. Seth Rogen, alors âgé de dix-sept ans, et qui tient ici son premier rôle, avant de devenir l'un des comédiens fétiches d'Apatow. On y trouve aussi Jason Segel, ou bien encore James Franco, qui pour la plupart ont eu la chance de devenir réellement célèbre dans le milieu grâce à la série. Il y a bien sûr des guests, parfois surprenant. Pour n'en citer que quelques-uns, on peut voir par exemple Jason Schwartzman, David Krumholtz, Shia LaBeouf, ou encore Ben Stiller. Un bon casting, représentatif du contenu, qui sait être drôle quand nécessaire, mais aussi plus dramatique, et surtout constamment juste.

 Un générique à l'image de la série, rock'n'roll!

La plus grande force de Freaks and Geeks, vient de son positionnement envers les groupes. Tout le monde le sait, aux Etats-Unis, il y a réellement des groupes qui se forment au lycée, ce n'est pas une invention d'Hollywood. Ici, comme le nom de la série l'indique, il y a les « freaks » et les « geeks ». Cependant, au lieu de tout tourner en dérision et d'amener une caricature infâme digne des pires films de genre, la série pose des bases solides et ne fait pas d'un groupe un regroupement de gens tous identiques sans lien avec le monde extérieur. Linda, la nouvelle freak, est une ancienne élève modèle, et elle continue d'ailleurs à fréquenter encore une de ses anciennes amies dont les convictions sont en oppositions avec ces freaks. Mais qui sont-ils réellement ? On les montre comme des voyous dans le lycée, mais ils ne sont pas dépeint comme tel dans la série. Ce sont simplement des gamins paumés, passionnés de rock'n'roll, marginaux, et qui n'entrent pas dans les normes qu'essaie d'imposer une société à la fois trop prude et trop réglementaire. Ils ne sont pas des voyous, bien que cela leur arrive d'enfreindre la loi, ce sont simplement des lycéens qui n'ont de réel repères que ceux qu'ils s'imposent. Quant au geeks, ce ne sont pas de simples ados boutonneux fans de comics ou de science-fiction. Bien sûr ils ont des passions, mais avant tout ce sont des adolescents qui manquent de confiance en eux et qui restent entre eux en partie à cause de ça, parce que la plupart des élèves cools ne les accepteraient jamais. Ça, c'est ce que l'on nous montre au départ, toutefois, durant ces dix-huit épisodes, l'évolution des personnages et des situations vont nous montrer qu'au final, ces groupes n'existent pas, ou du moins uniquement dans l'esprit de ceux qui le souhaitent. Freaks, geeks, sportifs, gens cools, etc... Tous sont finalement les mêmes et partagent les mêmes sentiments, les mêmes envies, et parfois les mêmes passions. C'est bien là la grande force de Freaks and Geeks, créer pour mieux casser, idéaliser pour mieux représenter.

Vous l'aurez compris, Freaks and Geeks est la meilleure série consacré à l'adolescence et à ses protagonistes. D'une justesse et d'une sincérité absolue, on décrit, on montre, on réfléchit sur les conditions de l'adolescence sans jamais s'en moquer. Dotée d'une réelle réflexion implicite, qui n'a pas pour but de nous imposer une morale ou une manière de penser, chacun réagira de façon différente, mais tout le monde s'y retrouvera. Malheureusement inédite en DVD chez nous, il faudra passer par l'export pour se procurer les dix-huit épisodes de cette unique saison (zone 1 obligatoire, attention), ou bien passer par le streaming. On aurait aimé rester plus de temps dans cet univers, parmi ces protagonistes, mais force est de constater que cette seule saison se suffit à elle-même. Condensé de toute une génération et de toute une époque, pourtant intemporel et universel, transcendant un genre pour en devenir le nouveau maître, représentant de toute une communauté, Freaks and Geeks dépasse finalement le stade de simple série télévisée pour atteindre le rang de chronique culte d'une période de la vie. Le genre de série réaliste et juste dans laquelle une simple histoire d'amour peut être aussi décevante que le rêve illusoire était beau, ou bien aussi surprenante qu'un simple baiser sur Freebird.

Pour voir la série en streaming, il y a ce lien
ou bien celui-ci, plus pratique, mais ne présentant que les cinq premiers épisodes

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