Sorti en 2010 au Japon sur
Nintendo DS, Ni no Kuni n'avait pas eu la chance de sortir des
frontières nippones. Pourtant la collaboration entre le studio
Ghibli et le développeur Level-5 avait de quoi séduire. Annoncé
sur Playstation 3, dans un remake haut de gamme, la nouvelle mouture
sort un an plus tard, fin 2011, toujours au Japon uniquement. Prévu
pour des sorties hors de l'archipel, il a fallu plus d'un an pour que
le fameux et tant attendu titre sorte enfin chez nous. Et on ne va
pas vous le cacher plus longtemps, l'attente, aussi longue fut-elle,
n'a pas été vaine. Pas du tout.
Oliver, jeune garçon, vit
avec sa mère dans un paisible quartier de Motorville. Il mène une
vie tranquille, jusqu'au jour où avec son meilleur ami il est
victime d'un accident. Par chance, sa mère arrive à temps pour le
sauver. Malheureusement, elle y laisse la vie. Bouleversé, c'est
en versant des larmes sur une peluche qu'il libére une fée
emprisonnée, Lumi. Il apprend à Oliver que dans un autre monde sa
mère est encore en vie, mais qu'il est nécessaire de la sauver pour
la faire revenir dans son monde à lui. Voici le départ d'une longue
quête épique, sombre, mais avant tout merveilleuse.
Ni no Kuni c'est avant tout
un projet. Un jeu issu de la collaboration entre Ghibli et Level-5.
Le premier est le plus grand et le plus prestigieux studio de
développement de films d'animations japonais, le second est un
développeur de jeu vidéo très réputé au Japon, souvent par la
qualité de ses titres, et à qui l'on doit notamment les séries
Professeur Layton ou encore Inazuma Eleven. Le résultat de la
promesse d'un tel projet se devait d'être à la hauteur. D'un point
de vue visuelle, le jeu nous propose une expérience extraordinaire.
On ressent partout l'ambiance des films Ghibli, magnifié par un sens
du détail absolu de Level-5. Le jeu est beau, absolument magnifique,
et propose un cel-shading absolument prodigieux, rempli de grâce et
de finesse, qui ferait pâlir d'envie et rougir de honte la saga
Tales of. On pourrait très éventuellement reprocher quelques très
légères textures en arrière plan dans certains rares cas, ou bien
des affichages tardifs occasionnels, mais devant l'ampleur d'un monde
ouvert aussi vaste et grand, ces infimes défauts, pour peu que l'on
puisse les appeler ainsi, sont totalement insignifiants. Mais avant
de briller par ses prouesses techniques, c'est surtout grâce à son
esthétique magnifique et sa direction artistique phénoménale que
le jeu se situe très au dessus de la concurrence. On y retrouve
toute l'essence des productions Ghibli. Des personnages atypiques et
uniques aux caractères prononcés, des lieux enchanteurs et féeriques,
et une histoire prenante et émouvante. Parmi cette esthétique
calquée sur les meilleurs films d'animation, on retrouve d'ailleurs
des cinématiques en dessin animé de toute beauté, comme c'est le
cas pour les jeux Layton par exemple. Pour le reste, les influences
sont diverses et variées, mais toutes non négligeables. Le Chateau
Ambulant, Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro, Porco Rosso, Le
Chateau dans le Ciel, Le Royaume des Chats, et tant d'autres, voici
ce qui vous attend comme inspirations principales. Rien n'est laissé
au hasard, tout a été pensé comme un véritable conte, et
l'univers visuel est tout simplement d'une splendeur presque
émouvante. Des jeux avec une identité si forte et si marquée, il
n'y en a finalement pas tant que ça dans le jeu vidéo, et Ni no
Kuni tient bien à faire parti de ceux qui sortent du lot.
Et voici le roi des chats!
Cependant, tout ne se base
pas sur les graphismes. Et on le sait chez Level-5. C'est pour ça
qu'on a engagé Joe Hisaishi, compositeur attitré des films de Hayao
Miyazaki entre autres, pour se charger de la musique. Puissante,
épique, triste, émouvante, joyeuse ou bien mystérieuse, les
compositions musicales sont particulièrement somptueuses et en total
adéquation avec l'univers. Pas une fausse note, pas de trop ni de
pas assez, mais toujours une justesse qui fait sans cesse mouche pour
nous faire constamment ressentir des émotions. Si Joe Hisaishi
n'avait plus à faire ses preuves du fait de ses musiques déjà
toutes réussies ou appréciées, il faut constater qu'avec les
partitions de Ni no Kuni il atteint des sommets et place la barre
très très haute dans les musiques de jeu vidéo, s'imposant à plus
d'un titre comme un sérieux concurrent de Koji Kondo ou Nobuo
Uematsu. L'univers sonore est génial donc, et les doublages japonais
(aussi disponibles en anglais, mais l'intérêt n'en est sûrement
que moindre) sont tout à fait dans le ton. Et à cela, il faut aussi
préciser que le jeu a été intégralement localisé en français.
Dans ses textes et sous-titres seulement, mais il faut dire une
chose, le travail effectué est tout simplement phénoménal. Plus
qu'une simple traduction, c'est un véritable travail d'orfèvres qui
tient de l'aboutissement ultime, recréant diverses bons mots en
adéquation avec les situations et constamment bien trouvés. On est
sans cesse ébahi par ce que l'on peut lire, et s'il a fallu attendre
la sortie, maintes fois repoussée, le résultat pour la localisation
française ne fait regretter en rien ce retard.
Des textes il y en a. Le jeu
propose un scénario long et passionnant, rempli de mystères et de
surprises, qui sans être le plus original du genre, a tout de même
le mérite de captiver jusqu'au bout. Sombre quand il le faut,
parfois plus enjoué, et profondément émouvant, l'impact sur le
joueur sera forcément perceptible. On se prend rapidement dans
l'aventure, et une fois commencée, on aura du mal à la quitter
avant de l'avoir finie. Et pour ceux qui aiment les textes et la
lecture, l'Almanach, sorte de grimoire récupéré par Oliver,
contient plus de trois-cent pages toutes traduites en français, et
au contenu varié. Une nouvelle preuve de l'univers immense du jeu
qui pose aussi les légendes de son monde dans son histoire, comme si
la volonté de fournir un contexte entier était une nécessité
vitale et absolue. On a rarement créé un monde imaginaire aussi
complet.
Prouesse graphique, identité
visuelle forte, musiques grandiose, scénario fort, il serait simple
de succomber à la tentation du conte interactif et de privilégier
un univers au détriment d'un gameplay. Heureusement, Ni no Kuni ne
tombe pas dans le piège, bien au contraire, et propose un concept de
jeu pas forcément novateur, mais qui a fait ses preuves. Mieux
encore, il en maîtrise absolument toutes les bases. En effet, avant
tout, Ni no Kuni est un jeu de rôle japonais, un J-RPG dans la
grande tradition de ses prédécesseurs, qui mérite amplement de figurer dans les hautes places du genre. Les bases sont finalement
assez classiques. Un monde ouvert à explorer, des quêtes annexes à
en pleuvoir, de l'expérience, des compétences, des armes, des
secrets à découvrir, voilà ce qui vous attend principalement. Et
couplé avec l'histoire principale, le tout atteint un nombre
d'heures assez impressionnant, avoisinant aisément les soixante-dix.
Oui, rien que ça. Parce qu'il faut bien se rendre compte que Ni no
Kuni est un jeu de rôle de la grande époque, celle où les jeux
étaient longs et prenants, et dans lesquels le leveling était
souvent nécessaire sans être contraignant. Un jeu presque
old-school dans un certains sens, ce qui finalement ne fait
qu'accentuer son charme.
Coucou, tu veux voir mon boss?
Il y a toutefois bien un
domaine dans lequel Ni no Kuni se démarque, sans être forcément
novateur, celui des combats. Pas de tour par tour ici, ni même de
combats en temps réel avec touche attitrée à une action. On se
retrouve là face à des combats en semi temps réel. En gros, on se
déplace librement dans une air de jeu, mais on choisit ses actions.
Et le temps de choisir, le combat s'arrête laissant une certaine
durée pour faire son choix. Attention en tous cas, chaque action
entamée ou même annulée, nécessite un certains temps plus ou
moins long avant que l'on puisse s'en servir à nouveau. L'avantage de
ce type de combat, c'est le dynamisme. On est constamment en train de
bouger, d'essayer d'éviter les attaques ennemis, ou même de se
concentrer sur ce qui se passe. A savoir que les combats vont
rapidement passer de un à plusieurs combattants. On choisit celui
que l'on veut contrôler et on peut changer en cours de combat dès
qu'on le souhaite. Il y a bien sûr la possibilité d'imposer une
tactique à chacun des autres combattants, afin que l'intelligence
artificielle respecte nos choix. Et en parlant de tactique, les
combats le sont réellement. D'une, puisqu'il faut bien gérer les
actions de tous ses personnages. De deux, parce qu'ils faut utiliser
les bonnes attaques et les bon sorts selon les faiblesses ou
avantages. Mais c'est surtout dans les déplacements et les systèmes
de défense que tout se joue. Lorsque l'on passe en mode défense, on
se fige et on se protège afin de subir moins de dégâts pendant une
durée limitée. Face aux boss, ce mode est primordial, puisque
certaines attaques peuvent quasiment tuer en un coup sans protection.
Cela implique qu'il faut sans cesse surveiller ses ennemis afin que
l'on pisse se protéger au bon moment. Le nom des attaques spéciales
apparaît au dessus d'eux, et il faut bien gérer ce que l'on voit
afin de ne pas se laisser désagréablement surprendre. A cela s'ajoute des orbes de différentes couleurs qui apparaissent aléatoirement et qu'il faut ramasser avant leur disparition. Elles viennent redonner des points de vie, des points de magie, ou bien permettent d'effectuer la botte secrète du combattant qui la ramasse (très utile). Eh oui, c'est
finalement toute une maîtrise que l'on ne cesse d'acquérir au fil
du jeu.
Ce qu'il faut savoir, c'est
que les combattants peuvent déléguer leur tâche et envoyer une
créature nommée familier se battre à leur place. Ces familiers
sont des bestioles, qui comme à l'instar des pokémons, peuvent être
capturées puis évoluer selon notre guise. Ces familiers ont leurs
propres caractéristiques, ce qui rend les combats encore plus
stratégiques, mais ils partagent la même barre de vie et de magie
que le combattant à qui il appartient. Il faut donc faire attention
à ce que l'on fait. Avec trois de ces créatures par personnages au
maximum, on peut donc avoir un choix qui va jusqu'à douze styles de
combat différents. Les familiers peuvent aussi être entretenus dans
la ménagerie, pour être nourris et voir augmenter certaines de
leurs caractéristiques. Il faut toutefois faire attention à ne pas
trop les rassasier, au risque de les avoir trop nourris pour un
moment. A savoir aussi que lorsqu'ils évoluent, ils prennent une
nouvelle forme bien évidemment, mais ils recommencent aussi au
niveau un. Ce qui implique de faibles niveaux d'attaques et de
défenses, qui remonteront bien sûr assez rapidement. En effet, les
familiers ont besoin de moins de points d'expérience, ce qui fait
qu'ils rattrapent rapidement le niveaux du reste de l'équipe après
avoir évolué. Aucun sentiment de frustration n'est donc présent,
et c'est tant mieux.
Parcourir le monde à dos de dragon est particulièrement grisant
Outre son système de
combat, le reste du jeu, bien qu'assez classique, repose sur un
système de sorts et de cœurs brisés assez intéressant. Les sorts
sont bien évidemment utiles en combats, mais aussi pour résoudre des
énigmes nécessaires pour avancer dans le jeu. Certains s'obtiennent
naturellement, d'autres nécessitent qu'on les trouve. Mais c'est
avant tout la quête des cœurs brisés à réparer qui est
intéressante. Manquant de certains ressentis, des personnages ont
besoin d'être aidés. Il faut donc récupérer de l'ambition ou de
l'enthousiasme par exemple dans le cœur d'une personne qui en a trop pour la
donner à celle qui en a besoin. Très présent dans les quêtes
annexes, ce système est aussi la base de la progression de
l'aventure. On pourrait au début presque se plaindre que cette
démarche soit constamment la même, puisque l'on se retrouve face à
une personne au cœur brisé qu'il faut soigner pour avancer, mais
finalement, bien que prévisible dans certains rares cas, ce système
s'avère efficace. De même, il est parfois nécessaire de retourner
dans le monde d'Oliver, à Motorville, pour aider l'âme sœur d'une
personne de l'autre monde, afin de progresser. Certains trouveront
que cette ficelle scénaristique est trop souvent utilisée dans le jeu, mais elle
fonctionne bien, et c'est même là un des grands intérêt du jeu.
Pour le reste des possibilités, l'alchimie permet de concocter des
plats ou bien de fabriquer des armes. C'est finalement assez
classique dans les grandes lignes, puisqu'ils s'agit d'un J-RPG, mais
ce sont les originalités réelles qui font la différence.
N'ayons pas peur des mots,
Ni no Kuni est un véritable chef-d’œuvre. Un univers féerique et
enchanteur à l'identité visuelle monumentale, magnifié par des
compositions musicales de toute beauté, qui n'a de cesse que de
surprendre et d'émouvoir. Avec un scénario prenant qu'on ne peut
lâcher sans en connaître le dénouement, c'est une aventure épique
remplie d'émotions en tous genres qui vous attend. Une épopée
fantastique sombre, un conte merveilleux, une histoire touchante,
tout ça à la fois. Mais ce n'est pas tout, puisque le titre nous
propose aussi un véritable jeu de rôle avec tout ce que cela
implique. Combats dynamiques et stratégiques, quêtes annexes à
n'en plus finir, univers vaste à explorer, et originalité dans le
principe des cœurs brisés, le jeu ne réinvente certes pas les
bases ou les principes du genre, mais il les maîtrise parfaitement
afin de nous offrir un gameplay savoureux qui ne possèdent quasiment
aucune faille. Mélange ultime entre The Legend of Zelda : The
Wind Waker, Tales of Symphonia et Final Fantasy VII, Ni no Kuni fait
partie de ces jeux inoubliables qui risquent de laisser une empreinte
profonde dans l'histoire d'un genre. Bijou vidéoludique, posséder
une PS3 et ne pas jouer à Ni no Kuni discréditerai le statut de ceux qui se revendiquent joueurs. En voilà un chef-d’œuvre, un jeu comme on aimerait en
voir bien plus souvent.
19/20
Bon test.
RépondreSupprimerHâte d'y jouer ^^
Super continue !
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