samedi 13 octobre 2012

Test Dishonored

Dishonored. Depuis son annonce en été 2011, il en a fait baver plus d’un. Un univers unique, rétro-futuriste, un gameplay intelligent, une liberté de choix et d’action, bref, tout ce qu’il faut pour que cette nouvelle licence sorte sous les meilleurs augures. Le jeu est arrivé, les notes sont tombées. Les critiques sont unanimes, le jeu est un petit bijou, un chef-d’œuvre, une sorte de messie venu nous sauver de l’enfer des suites sans saveur à répétition. Alors c’est bien beau tout ça, mais finalement, Dishonored, jeu de l’année ou non ?

Corvo, le garde du corps de l’impératrice, est accusé de son meurtre et de l’enlèvement de sa fille. Direction la prison, pour celui qui n’est dorénavant plus qu’un traître. La veille de son exécution, on arrive à lui donner de l’aide afin qu’il puisse s’évader. Rejoignant une île un peu excentrée, il y découvre des personnes qui croient en son innocence. Avec leur aide et leurs informations, il sera en charge d’éliminer les véritables coupables, afin de lever le voile sur le complot qui le frappe. Vengeur sanguinaire ou justicier masqué, tel est désormais le choix qu’il vous est laissé.

 Bon, surtout, ne pas me faire choper

Dishonored, c’est avant tout une ambiance, un univers. On évolue dans une époque imaginaire, proche de celle d’un Londres de l’époque Victorienne, mais avec des éléments novateurs et des technologies inédites. D’où le nom d’aspect rétro-futuriste. Qu’on se le dise, c’est cet ensemble cohérent qui joue énormément dans l’appréciation du jeu. Rien n’a été laissé au hasard, tout a été pensé afin de s’approprier une identité unique et véritable, que peu de jeu peuvent se tarder de posséder. Cette ville dans laquelle règne la peste, dans laquelle un couvre-feu est prononcé, et dans laquelle vous croiserez peu d’amis, voilà ce qui vous attend une fois que vous vous plongerez dans Dishonored. Même les rats ne cherchent finalement qu’à vous bouffer. C’est certes cru, parfois glauque, mais c’est toujours agréable à parcourir. Et puis, on oscille entre les rues sales parsemées de cadavres, les égouts répugnants avec leurs malades, ou alors des habitations de riches, bien fournies en meubles classes et œuvres d’art présomptueuses. Il y a à boire et à manger comme on dit. De quoi régaler tout le monde.

Cet univers marqué et cette ambiance unique ne réussissent cependant pas à masquer des graphismes parfois un peu trop en retard techniquement. Un peu comme un bel écrin de velours qui accueillerait une jolie médaille, pas en or, mais simplement en bronze recouvert de dorure. Si l’aspect artistique ne peut que laisser admiratif, l’aspect graphique, pas déplaisant pour autant, ne peut cacher son retard. Si l’ensemble est très passable et ne s’avère en rien dérangeant, on ne peut pas en dire autant des textures. Totalement dépassées dans certains cas, il faudra se montrer peu exigeant pour passer outre. Heureusement, on ne joue pas à Dishonored pour ses graphismes révolutionnaires, mais pour sa direction artistique de toute beauté. Et on ne le répétera jamais assez, de point de vue-là, c’est une réussite.

 Tu m'as bien l'air sympathique dis donc

L’autre aspect qui met tout le monde d’accord, c’est le gameplay du jeu. Il faut bien différencier le titre avec d’autres types de productions. Dishonored n’est pas un FPS, c’est un jeu en vue subjective. Il ne faut pas confondre les deux genres. FPS signifie First Person Shooter, c’est-à-dire jeu de tir à la première personne. Or, Dishonored n’est pas un jeu de tir. Alors à moins de considérer la saga The Elder Scrolls comme une série de FPS, on va considérer Dishonored comme un jeu en vue subjective. Parce que le tir, même s’il y en a, ne sera pas l’intérêt principal du jeu. Le but principal des diverses missions est d’assassiner une ou plusieurs personnes. Pour cela, il faut accéder à leur bâtiment, s’introduire dans la pièce dans laquelle ils sont, et faire son affaire, avant de prendre la poudre d’escampette. On peut la jouer gros bourrin barbare et massacrer tout le monde sur son passage. Sauf qu’entre les soldats dans les rues qui assurent le couvre-feu, les gardes dans les bâtiments, et autres assassins ou voyous que vous rencontrerez, il faut d’une, réussir à survivre, et de deux avoir assez de munitions. Evidemment, on se bat principalement à l’épée dans le jeu, mais face à quatre ou cinq hommes, qui n’hésitent pas à tirer à vue, on apprécie son arbalète ou son pistolet. Et quand on sait que chacune des armes ne peuvent contenir que dix munitions (plus avec des améliorations), on se dit que le choix du passage en force n’est pas forcément le bon. Surtout que se faire repérer équivaut à une alarme et donc à une bonne flopée de soldats. On préférera alors l’autre solution, si possible.

L’autre solution qui consiste à l’infiltration. Ce choix peut se révéler plus judicieux pour plusieurs raisons. D’une, c’est moins dangereux si on gère bien ses déplacements et si l’on ne se fait pas repérer, on a moins de risque de se faire blesser ou tuer. De deux, cela peut éviter de tuer des gens. Pas nécessairement, puisque l’on peut assassiner discrètement ses adversaires, mais les meurtres sont souvent plus bruyants. Le mieux est alors d’endormir ses victimes, soit à mains nues, soit avec des fléchettes spéciales. Le choix de ne pas tuer, ou le moins possible, apporte d’ailleurs des avantages qui ne sont en rien négligeables. Plus on tue, plus il y aura de rats et d’infectés en ville. De même, les gens nous craindront, installant des relations autres. Et surtout, un trop plein de meurtres aboutira à la fin la plus sombre du jeu. Et ça, ce n’est pas rien.

 Ouh le petit voyeur!

Mais l’infiltration, ce n’est pas juste une simple alternative à une autre solution plus radicale. C’est aussi le choix de la découverte et des possibilités multiples. Passer en force, c’est au final prendre le chemin le plus évident. S’infiltrer, se faufiler, cela demande de l’observation, de la concentration, de la patience. On peut aisément découvrir divers passages, certains regorgeant de secrets. En effet, si les missions sont précises, on peut facilement s’en éloigner, soit pour en trouver d’autres, annexes, soit pour fouiller un peu et trouver des objets qui nous arrangent bien. Des pièces, des objets de valeurs, des munitions, de quoi se régénérer, les choses de base, mais aussi des runes ou bien des bone charms, qui permettent d’acquérir des pouvoirs ou augmentations. Fouiller partout, voici une liberté qui est de la partie, comme la liberté de choix dans ses actions. Passer par les toits, se téléporter d’un endroit à un autre sans être vu, ou même contrôler un animal afin de passer dans des endroits inaccessible autrement, voici ce que propose Dishonored.

Cependant, on ne peut pas réduire le titre à ce simple aspect. Il ne faut pas oublier qu’avant tout, pour pouvoir varier les alternatives, il faut faire des choix. Le choix des armes par exemple. Le pistolet est en effet puissant, mais bruyant. L’arbalète, risque de ne pas tuer en un coup, mais n’émet quasiment aucun son. Attention, elle est un poil longue à recharger, logique. Ou alors des fléchettes explosives, qui enflamment un ou plusieurs ennemis. Pas discret pour un sou, mais efficace comme pas deux. Ou encore les fléchettes à injection, non létales, qui endorment la victime, mais avec un petit temps, ce qui peut être embêtant s’il a le temps de donner l’alarme avant de tomber dans un sommeil profond. Evidemment, je ne parle que des armes de base, qu’il est possible d’améliorer moyennant finance. Meilleure vue, temps de recharge rapide, endormissement immédiat, et j’en passe. A côté de cela, il est aussi possible de choisir et améliorer ses pouvoirs. Se téléporter d’une certaine distance à une autre, contrôler un animal, ralentir le temps, appeler une armée de rats à sa rescousse… Tous ses pouvoirs ont une utilité et conviendront à tous types de jeu. Et ils sont tous améliorables, afin de devenir peu à peu surpuissants. Il faut tout de même bien gérer sa jauge de mana, mais on faisant bien attention à tout, ça devrait aller. Dishonored offre donc une part de liberté appréciable qui saura s’habituer à toutes sortes de gameplay.

 C'est toujours plus éthique que de le tuer

Et puis, il ne faut pas oublier que le titre, en plus d’une ambiance unique, bénéficie d’un doublage magistral au casting impressionnant. On retrouve en effet parmi les acteurs de doublage Carrie Fisher (Princesse Leia), Chloë Grace Moretz (Hit Girl), Susan Sarandon, Michael Madsen (Mr Blonde), ou encore Brad Dourif. Inutile de préciser que le doublage est excellent, les noms se suffisent à eux-mêmes. Quant au reste de l’ambiance sonore, rien à redire non plus, tout sait très bien s’adapter aux situations. Que du bon.

Finalement, Dishonored semble avoir tout pour lui. Un univers du tonnerre, un gameplay génial aux choix multiples, une ambiance sonore qui dépote, rien que ne pourrait l’empêcher de concourir au titre de jeu de l’année. Hélas, mille fois hélas, tout n’est pas aussi immaculé qu’on voudrait le croire, et il y a bien quelque chose qui entache le jeu. Malgré toutes ces qualités, il y a bien une chose qui dérange. Hormis son univers, en quoi le jeu se démarque-t-il des autres productions du même acabit ? Tout le monde crie à l’originalité, mais à part son ambiance, le reste est très classique. On retrouve les éléments qui ont fait le succès de certains jeux, Half-Life en tête, mais Dishonored ne réinvente rien, ni ne renouvelle véritablement quoique ce soit. Bien sûr, parmi tous les FPS du style Call of Duty et consorts, c’est original et rafraichissant, mais l’approche et le genre n’est pas le même non plus. Et puis, il y a eu Deus Ex : Human Revolution l’année dernière, qui offrait une expérience plus ou moins similaire, et plus poussée à mon goût. Au final, Dishonored n’offre pas de monde ouvert. On va à un endroit pour une mission, puis on revient au QG. On ne se balade pas véritablement librement dans Dunwall, juste dans les quartiers lors des missions. Et puis, le scénario est finalement très classique. Là où Deus Ex : Human Revolution proposait une réflexion sur l’humanité et le transgenre avec les améliorations, ici on ne fait que suivre une trame narrative certes intéressante, mais peu innovante. Et encore une fois, on ne le dira assez jamais, mais le gameplay n’est pas assez original. Le choix du bourrin ou de l’infiltration, c’est connu, ce n’est pas nouveau. Pour une nouvelle licence, c’est bien de l’originalité qu’il manque.

 De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités

Avant de conclure, je vais pousser un petit coup de gueule, qui vaut pour Dishonored comme pour d’autres jeux. Pourquoi imposer la version française ? Lorsqu’un jeu possède un tel doublage original, pourquoi ne pas mettre le choix des voix en option ? Plein de jeux le font, même de grande envergure. Alors ça ne doit pas être bien compliqué. C’est pareil pour la plupart des jeux, c’est rageant. On ne profite ni des dialogues originaux, ni des voix choisies par les studios. Bien sûr, beaucoup préfèrent la VF, mais mince quoi, il y en a plus qu’on le croit qui veulent jouer en version originale. Qu’on impose pas la VO, ok, mais qu’on impose pas la VF non plus. J’ai dû récupérer un patch non officiel et bidouiller les programmes du jeu afin de mettre tout en VO. Et en VO intégrale, sans aucun texte français. Ça va que je me débrouille pas trop mal avec la langue de Shakespeare, mais tout de même. C’est vraiment embêtant ce problème, sur trop de jeux. Et pendant que j’y suis, ceux qui disent que la VO de Dishonored, c’est la VF parce que c’est un jeu français, non, ce n’est pas le cas. La VO a été choisie par Bethesda, l’éditeur, et non Arkane Studios, les développeurs, même s’ils ont porté attention à la VF. Voilà, c’était mon coup de gueule.

Que dire finalement ? Dishonored honore ses promesses, et nous offre un jeu à l’univers inédit tout à fait séduisant. C’est bien cela qui fait tout le charme du jeu. Le reste s’en sort très bien aussi, malheureusement, on ne peut pas s’empêcher de penser à d’autres productions, tant le gameplay, bien que quasi parfait, manque d’originalité. C’est effectivement un vent de fraicheur parmi les sorties des FPS de cette fin d’année, mais ce n’est malheureusement pas le messie tant attendu. Peut-être que Dishonored est sorti un peu trop tard, Deus Ex : Human Revolution lui faisant un peu de tort. Au final, on retiendra cet univers et son ambiance, tout simplement grandiose, et on appréciera son gameplay à liberté de choix d’action. S’il n’est définitivement pas le jeu de cette année, Dishonored n’en demeure pas moins un très bon jeu, un des meilleurs de cette rentrée.

17/20

4 commentaires:

  1. Merci , comme quoi Dishonored a des défauts mais je vais peut-être me le procurer !

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    1. Malgré ma critique moins enthousiaste que la plupart des autres, le jeu n'en reste pas moins très bon, et se le procurer est un choix judicieux.

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  2. J'ai moi même le jeu et je trouve ton test très bon, et surtout objectif, objectivité dont certains testeurs "officiels" me semblent manquer cruellement... je me pose la question parfois de l'influence voire de la corruption de certains éditeurs de jeux envers ces testeurs, qu'en penses-tu ? Il y'a quand même parfois un énorme décalage entre le test et l'avis des joueurs (ex : call of duty : black ops II)

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  3. Pour Black Ops II, les tests ne sont pas mauvais, et les joueurs continuent à baver dessus, donc je ne sais pas quoi trop dire pour cet exemple.

    Pour ce qui est d'une certaine corruption dans le milieu, je n'en sais rien, c'est possible, il faut l'admettre, mais je pense que tout est une question de point de vue, et qu'entre Gamekult, Jeuxvideo.com, ou encore JeuxActu, les avis divergent ce qui est normal. Et finalement, les différences énormes entre les rédactions à propos d'un seul titre sont assez rares (bon, ne pas lire les différents avis sur Wonderbook, ça casse mon argumentation).

    Pour Dishonored, même si mon test se veut objectif, et qu'il l'est, il y a comme partout une part de subjectivité. Je pense juste que les 19/20 à tout va du jeu viennent d'un cruel manque de renouveau dans le genre, du fait que le jeu soit français, et aussi du fait que tout le monde semble avoir oublié la grandeur de Deus Es : Human Revolution.

    Donc merci d'avoir apprécié mon test, que je ne considère pas plus objectif qu'un autre finalement.

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