dimanche 27 mai 2012

Heavy Rain, pourquoi je suis mitigé

Avant de commencer, je tiens à préciser que je ne considère pas Heavy Rain comme un jeu, mais comme une expérience. Je pense que cela est assez évident et totalement logique. Cependant, pour faciliter l’écriture de cet article, j’emploierai le terme jeu pour parler de cette œuvre hybride. Ensuite, je veux aussi dire que je ne déteste pas du tout Heavy Rain, même si cet article peut parfois le faire croire. Je suis simplement mitigé sur mon appréciation et ma perception de ce titre, et je vais essayer d’expliquer pourquoi.

Je ne suis pas là pour faire un test de Heavy Rain. J’aurais plus de deux ans de retard, ce serait assez ridicule. C’est juste que ça y est, je me suis lancé dans l’aventure, et je l’ai finie. Sans déplaisir, mais pas forcément aussi réjoui que certains. Parce que si j’ai bien aimé Heavy Rain, de gros problèmes ne m’ont pas facilité la tâche. Et dans ce genre de jeu, c’est encore plus gênant que les autres. Parce que lorsque l’on veut réaliser une sorte de film interactif, il suffit qu’un seul élément vienne déranger le joueur/spectateur pour que l’ensemble paraisse gâché.

Je ne parlerai pas ici des graphismes du jeu, je le répète, je ne fais pas un test. Donc je ne m’évertuerai pas à m’exprimer sur la réalisation atypique du jeu, dans le sens où l’on passe du très réussi au très bizarrement médiocre. Ni même sur les incohérences du scénario, qui est pourtant au cœur du jeu, qui est même l’essence de Heavy Rain. Même s’il est possible que je revienne là-dessus vers la fin de l’article. En fait, ce que je veux exprimer ici, c’est mon ressenti par rapport à l’œuvre de David Cage, ce que j’ai aimé, et ce qui malheureusement m’a moins convaincu.

Lorsque l’on parle de jeu vidéo, on pense quasiment tout de suite à gameplay. Bien sûr il y a les graphismes et le scénario, mais lorsque l’on nous propose une expérience de jeu, c’est la manière de jouer qui compte. Contrairement à un film, qui ne peut se soucier que de son image et de son scénario. Alors quand un jeu nous propose un mélange entre les deux, on peut au départ rester sceptique. Parce qu’ici, on ne parle pas d’influence de la mise en scène cinématographique dans le jeu, mais plutôt d’introduire une manière de jouer dans un film. Heavy Rain le revendique clairement, ici, on est dans un film, et ce sont vos choix qui vont influencer l’histoire, permettant de connaître différentes fins. Proposer divers choix, cela est assez alléchant, surtout lorsque l’on connaît l’ambiance du jeu, et quand on sait que si l’un des personnages meurt, cela est définitif, il n’y a pas de « Try Again ». Encore faut-il savoir bien s’y prendre pour que l’ensemble soit agréable manette en main. Et c’est là que le bât blesse dans la production de David Cage.

Comme tout le monde le sait, ou presque, Heavy Rain repose sur le principe du QTE avant tout. Le QTE, pour simplifier, c’est lorsque l’on doit appuyer sur un ou plusieurs boutons afin de déclencher une action contextuelle qui aura alors lieu dans le jeu. Ici, tout est affaire de QTE, enfin, pas tout à fait. Parce que le jeu offre aussi des phases d’exploration et de déplacement très présentes. Et je le dis comme je le pense, ces phases de jeu sont ratées. Pour se mouvoir, il faut appuyer sur la gâchette R2 pour avancer, et avec le stick analogique L3 pour changer de direction. Déjà pas forcément très aisée sur le papier, une fois la manette en main, cela s’avère très pénible. Les personnages se déplacent très lentement, de façon assez rigide, et réussir à changer de direction dès le premier essai relève parfois de l’exploit. Il serait presque plus simple de réussir une  suite de QTE assez difficile du premier coup, c’est pour dire. Je me demande vraiment pourquoi ce choix dans la jouabilité. Comme si depuis le premier Resident Evil on n’avait pas fait évoluer la manière de bouger ses personnages. Sans être complètement calamiteux, le tout n’est pas véritablement optimisé pour un confort suprême une fois la manette entre les mains. Et la caméra fixe n’arrange pas les choses. On peut changer d’angle, une fois, ce qui offre une possibilité de deux angles différents. Encore une fois, rien de catastrophique, mais pas véritablement optimale pour le confort du jeu.

Parlons dorénavant de ce qui fait le jeu et son gameplay « atypique », les fameux QTE. A la base du titre, ils sont évidemment omniprésents. Ceux qui me connaissent et ceux qui lisent régulièrement mes articles le savent, je n’aime pas les QTE. J’ai grandi dans un monde dans lequel les jeux vidéo permettaient de diriger un héros avec des touches prédéfinies, comme « A » pour sauter et « B » pour frapper, et pas une touche sur laquelle il faut appuyer à un moment précis pour effectuer une action différente à chaque fois. Donc les QTE, j’y suis assez réticent. Et pourtant, force est de constater que dans Heavy Rain, leur usage est assez bien foutu, malgré quelques réserves de ma part. En effet, si certains QTE de la vie quotidienne ou d’exploration sont assez redondants et mal exploités, dès qu’il s’agit d’une scène intense, cela sied assez bien à l’univers du film interactif. Certains moments oppressants ou stressants, le deviennent parfois encore plus pour le joueur qui panique presque à l’idée de se tromper de bouton. Et là, c’est réussi. Pareil pour les choix du joueur, qui n’apparaissent pas comme dans un RPG type Skyrim, mais comme différentes actions ou réponses qui tournent autour du personnage, et qui nécessite que l’on appuie sur le bouton que l’on a décidé sans trop tarder. Bien en théorie, en pratique j’émets quelques réticences. Parce qu’une fois sur l’écran, ce que l’on constate, c’est que chaque touche est encerclée, nuisant fortement à la lisibilité. Il arrive donc de vouloir exécuter une action, mais on se trompe en voyant mal, et hop, on en fait une autre. Assez gênant tout de même, surtout pour un jeu dans lequel les choix sont à la base du gameplay. Pour les autres QTE, ceux d’exploration, je les critique pour deux raisons. D’une part, la plupart d’entre eux consistent à bouger le stick droit R3 plutôt que d’appuyer sur un bouton. Pourquoi pas, mais cela devient assez lourd, et pas nécessairement prenant. Après, ça varie des autres phases, mais cela n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux. De l’autre, pour un jeu qui met le choix au centre de son scénario et de son gameplay, les phases d’exploration ne permettent pas d’interagir avec tout ce qui est possible, mais juste avec ce qui sert l’histoire et les situations. Un peu frustrant parfois, comme si notre liberté n’était qu’illusion, fausse idée d’un gameplay plus restreint qu’il ne voudrait le faire paraître. Encore quelques critiques sur les QTE, certains nécessitent de bouger la manette pour se servir de la reconnaissance de mouvement, eh bien ce n’est pas forcément une bonne idée, parce que pour moi, pourtant bien en face de la console, cela ne fonctionne pas toujours. Et cela peut s’avérer très très dérangeant. Autre point décevant, toujours sur les QTE, il arrive que certains ne soient eux aussi que des illusions de jeu. J’entends par là que de rares fois, si l’on n’appuie pas sur le bouton, ou si l’on appuie mal, soit il faut recommencer jusqu’à réussir, soit au bout d’un temps, le personnage agit quand même bien que l’on n’ait rien fait. Peu immersif…

Comme vous avez pu le constater, je suis assez mitigé sur l’usage des QTE dans Heavy Rain. Je vais donc parler d’autres choses, de peur que vous croyiez que je déteste le jeu. L’ambiance, le scénario, et les personnages. Parce que s’il y a bien une chose que l’on ne peut reprocher à Heavy Rain, c’est bien cela. Certes, il y a des erreurs de scénario aussi bizarres qu’étranges, mais rien qui puisse en soit déboussoler le joueur. Ici, l’ambiance est souvent oppressante, glauque, sombre, dérangeante, et pluvieuse. Et les personnages participent à cette atmosphère parfois sordide. Entre un agent du FBI complètement camé, un détective privé assez secret, une journaliste insomniaque dont on connaît finalement peu de choses (merci les DLCs…), et un père de famille meurtri prêt à tout pour retrouver son fils, tous sont là pour s’imposer. La force de Heavy Rain réside surtout dans le fait que le joueur choisit l’orientation des personnages. Ethan Mars peut être un mauvais père et ne pas vouloir retrouver son gosse, ou au contraire s’impliquer énormément, au risque de se détruire. Jayden, l’agent du FBI, peut être un camé ripoux, ou bien un agent sérieux qui essaye de résister à la tentation de la drogue. Et il ne faut pas oublier non plus que chacun des personnages peuvent crever à n’importe quel moment du jeu. Quand on fait tout pour qu’il s’en sorte bien, c’est assez frustrant, mais comme on dit, c’est le jeu ma pauvre Lucette. Et cela offre au joueur la possibilité de s’impliquer encore plus, afin d’être sûr de ne pas mourir, ce qui rend certaines phases de QTE bien stressantes. On se retrouve donc avec un scénario par forcément très original, mais qui tient la route, et surtout le joueur en haleine, l’impliquant dans toutes les phases de jeu, rendant le tout oppressant, angoissant, mais véritablement haletant. De ce point de vue-là, une réussite.

Heavy Rain n’est pas un jeu, c’est une expérience. Si l’œuvre de David Cage n’était qu’un jeu, il serait mauvais. En effet, en dépit d’une ambiance sordide, étouffante et mettant à l’épreuve le joueur, le gameplay n’est pas véritablement à la hauteur, sans être mauvais pour autant. Une sorte de chef-d’œuvre gâché par sa maniabilité bancale. Mais Heavy Rain n’est pas un jeu, ni même un film interactif (même s’il se rapproche beaucoup de ce dernier), c’est réellement une expérience à vivre. Parce que si l’on peut avoir du mal au début, très rapidement on est pris dans le « jeu ». J’ai dû faire la première partie (les cinq premières heures) en quatre fois, alors que j’ai fait la deuxième partie d’une traite, à fond dans l’ambiance, malgré des défauts de jouabilité. Si Heavy Rain est en partie gâché par un gameplay inégal, son atmosphère, son scénario et surtout ses personnages en font une œuvre prenante, intéressante bien que frustrante, une expérience que chaque joueur se doit d’essayer. Que l’on aime ou que l’on déteste, Heavy Rain ne se joue pas, il se vit, avec ses défauts et ses qualités, un peu comme nous vivons nous même chaque jour.

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